De la crise du marché du livre : « Les auteurs et les éditeurs, c’est le même combat : ils s’enrhument, on éternue ».

C’est cette petite phrase qui fait du bruit, dans l’actualité du livre depuis la semaine dernière.

Pourquoi ?

Parce que comme cela arrive souvent dans les médias, peu importe le sujet d’ailleurs, cette phrase a été sortie de son contexte et le propos a été raccourci, déformé, par un auteur et un dessinateur de talent dont, par ailleurs, j’admire et respecte le travail, dans une caricature dont je m’étonne qu’elle soit en fait opposée aux propos de base de la personne qu’elle vise ; Héloïse d’Ormesson n’a pas dit « quand l’éditeur éternue l’auteur s’enrhume », elle a dit l’inverse ! Elle a dit : « Les auteurs et les éditeurs, c’est le même combat : ils s’enrhument, on éternue ». Elle n’a pas dit – à AUCUN moment – « les revendications des auteurs sont absurdes », elle a dit « je ne comprends pas, nos intérêts – ceux des éditeurs et des auteurs – se rejoignent et se confondent. Les éditeurs comme les auteurs se précarisent. La Ligue des auteurs professionnels est, pour moi, une énigme. » S’il est vrai qu’Héloïse d’Ormesson ne va pas assez loin, dans son analyse de la situation – pour se faire il eut fallu que le format de l’émission le permette – peut-on lui reprocher ce constat que font tous les acteurs de la chaîne du livre depuis plusieurs années, le marché du livre est saturé ? C’est bien là le principal problème aujourd’hui et si tout le monde le reconnaît à demi-mot, personne, ou presque, ne songe à prendre le problème par ce biais…

Beaucoup d’écrivains et de membre de la Ligue des auteurs professionnels ont reproché leur silence et leur manque d’implication dans ce combat aux grands éditeurs ; pour une fois qu’une éditrice de renom s’exprime, au-delà de ce sujet, sur son amour des livres, sur le respect qu’elle a pour ses auteurs et sur la définition qu’elle a de son propre métier, au cœur de laquelle elle place son amour pour l’Auteur, pour une fois qu’une analyse, si incomplète soit-elle, non par volonté mais par manque de temps, fait entendre le point de vue des éditeurs tout en reconnaissant la précarisation des auteurs, il serait bon que les membres de la Ligue des auteurs professionnels et les auteurs en général sortent eux aussi, dans cette affaire, de ce clivage qui vise à opposer les auteurs aux éditeurs, à faire passer les uns pour des agneaux, les autres pour des loups, comme il serait bon que tous les acteurs de la chaîne du livre, sans exception, dialoguent entre eux.

Le combat, aujourd’hui, est de lutter contre la précarisation de TOUS les acteurs de la chaîne du livre. Et cela, il faut effectivement le faire en ramenant les gens vers la lecture, dans les librairies, en désaturant le marché pour donner de la visibilité aux livres, pour leur laisser le temps de trouver leurs lecteurs, en publiant moins, pour publier mieux. 

Le combat est long et la situation difficile, mais ne nous trompons pas de cible. La crise du livre est profonde, mais posons-nous les bonnes questions. C’est le sens des propos d’Héloïse d’Ormesson lorsqu’elle dit que la Ligue des auteurs professionnels se trompe de combat. S’il est vrai que sans auteur pas d’éditeur, s’il est légitime que les auteurs soient payés plus régulièrement qu’une fois par an et que leur couverture sociale les protège mieux, s’il est également normal qu’ils soient payés lorsqu’ils donnent des conférences ou font des séances de dédicaces sur les salons, commençons par réformer le marché du livre pour permettre à chacun de respirer un peu mieux. S’il est vrai que l’auteur est le premier maillon de la chaîne du livre, il est également vrai que, le jour où les éditeurs indépendants auront tous mis la clé sous la porte, il sera bien difficile de partager encore les livres et de payer les auteurs et leur travail à leur juste valeur… 

Pour cela, encore une fois, posons-nous les bonnes questions : ce n’est pas en opposant les acteurs de la chaîne du livre que l’on en sauvera le marché, c’est en dialoguant pour trouver ensemble un renouveau nécessaire pour sortir le marché de cette gangrène qui l’étouffe et le tue à petit feu. 

Si tout le marché du livre est enrhumé, si le but est de guérir tous les acteurs de la chaîne du livre, il serait bon que chacun, auteur, éditeur, comme tout professionnel du livre, sache voir un peu plus loin que le bout de son propre nez…

#payetonauteur

#auteurenrhumé

#marchédulivre 

#liguedesauteursprofessionnels

 

Retrouvez ici le lien de l’émission dans laquelle Héloïse d’Ormesson s’est exprimée à ce sujet

Retrouvez ici le communiqué de presse de la Ligue des auteurs professionnels

©  Les Histoires de Mel - Mélanie Blondel  - Tous droits réservés