« J’avais commencé à hiberner tant bien que mal à la mi-juin de l’an 2000. J’avais 26 ans… J’ai pris des cachets à haute dose et je dormais jour et nuit, avec des pauses de deux à trois heures. Je trouvais ça bien. Je faisais enfin quelque chose qui comptait vraiment. Le sommeil me semblait productif. Quelque chose était en train de se mettre en place. En mon for intérieur, je savais — c’était peut-être la seule chose que mon for intérieur ait sue à l’époque — qu’une fois que j’aurais assez dormi, j’irais bien. Je serais renouvelée, ressuscitée… Ma vie passée ne serait qu’un rêve , et je pourrais sans regret repartir de zéro, renforcée par la béatitude et la sérénité que j’aurais accumulées pendant mon année de repos et de détente. »

 

 Une héroïne dépressive, sa meilleure amie, sans oublier un personnage de psy complètement loufoque dans l’Amérique des années 2000. Un monologue intérieur et de rares échanges avec le monde extérieur, une souffrance enfouie dans un cocktail de drogues.

Ce sont là les ingrédients de ce roman coup de poing qui pose des questions existentielles et dérangeantes : Comment s’effacer, s’oublier ? Ne pas faire face à ce soi-même terrifiant et ces autres qui ne comprennent pas ?

 L’écriture est plate, crue, mais magistrale ; mise au service de cette jeune femme qui cherche à s’effacer, prix à payer pour une renaissance, un nouveau départ, objectif assumé dans une Amérique en pleine mutation, au moment où le pays va subir une des pires attaques terroristes de son histoire. Satire de notre société de consommation, le roman bouscule, trouble, mais permet une introspection grave (et salutaire ?) quand la mise à distance s’avère le meilleur moyen d’apprendre à se connaître. Si la plume déstabilise, si l’on est au départ réellement mal à l’aise, on finit bel et bien par s’apercevoir que cette héroïne qui franchit la ligne entre ce que l’on voudrait faire et ce que l’on ose, nous est en fait, sans doute, bien plus familière qu’il n’y paraît…

 En effet, qui n’a jamais rêvé de mettre sa conscience sur pause un instant, d’accélérer le temps pour ne pas avoir à passer par des moments difficiles ? Cette sensation d’être enfermée dans une boîte, prisonnière d’une conscience qui nous joue des tours dans une vie que l’on aurait souhaité différente, l’héroïne la ressent et l’autrice la transmet au lecteur magnifiquement, grâce à un ton égal tout au long du roman, tour de force stylistique remarquable. Une héroïne sans nom, mais inoubliable.

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