Comment parler de l’indicible ? En prenant le silence pour modèle. C’est exactement ce qu’a fait Santiago H. Amigorena dans ce remarquable livre au titre si juste, Le Ghetto intérieur. Souffre-t-on des tragédies vécues par nos ancêtres ? L’auteur nous montre ici que l’on en est indéniablement marqué, que l’on en hérite, et qu’il nous revient alors de faire ce devoir de mémoire ; pour soit comme pour les autres.
Vicente Rosenberg, comme des millions de gens avant lui, en même temps que lui et après lui, s’est exilé. Il a reconstruit sa vie à douze mille kilomètres de son pays d’origine, et ce choix conditionnera le reste de son existence, le faisant vivre dans la culpabilité d’avoir abandonné les siens, d’être encore vivant, alors qu’eux sont morts dans des circonstances atroces.
Avec une pudeur et une sobriété inouïe, Amigorena nous raconte l’histoire de cet arrière-grand-père si peu connu mais dont l’héritage fut de toute évidence assez lourd à porter. Dans une langue poétique et peaufinée d’une extrême simplicité, au service de ce récit, la suggestion de l’horreur en même temps que certains détails très crus sur la vie dans le ghetto de Varsovie, donne à réfléchir à tout lecteur sur sa place dans le monde, comme sur la part de la destinée dans la vie.
Certains diront que c’est encore un livre sur la Shoa, mais c’est aussi et peut-être surtout, un livre sur la résilience d’une famille : celle de l’auteur, qui lui, est sorti du silence…
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